Nombre de thèses couramment consacrées à l’histoire des Baluba privilègient « Nsanga a Lubangu » comme foyer matriciel du peuple muluba. Et c’est même, partant de cette position, que certains historiens ont été amenés à distinguer aujourd’hui deux catégories des Baluba : les « originaux » et les « dérivés ».
LES PRÉMICES
Pour raison de clarté et d’honnêteté scientifique, il nous tarde de vous présenter dans un premier temps les différentes thèses émises à ce sujet, qui du reste ne constituent que des théories de scientifiques victimes à leur corps défendant de la malléabilité de la tradition orale, qui méritent d’être étayées encore davantage. Ce, avant d’émettre en dernier ressort notre modeste avis sur la question. Signalons d’abord que le premier à avoir codifié l’existence de deux sortes de Baluba, c’est De Jonghe, un colon belge qui vécut au Kasaï. Voici comment il formule sa classification :
« Il y a deux sortes de Baluba :
Les vrais Baluba, c’est-à-dire ceux du Sud ou du Sud-est, généralement connus sous la dénomination des Baluba de Shankadi (Shankadi est le mot par lequel ils se saluent) ou de Baluba lolo (lolo signifie mère) ;
Les Baluba de l’Ouest, communément appelés Balubilashi ou Bambo. Les Baluba de l’Est ne les appellent plus Baluba. Ils habitent le long du Lubilash et dans les districts du Sankuru et du Kasaï[1] ».
Autrement dit, les « vrais Baluba » (désignés comme « Baluba proprement dits par Colle[2] et « véritables Baluba » par Verhulpen[3]), d’après cet auteur, sont ceux qui, aujourd’hui, parlent kiluba, alors les « Baluba dits dérivés » sont les locuteurs contemporains du ciluba[4].
Evoquant les Balubilash ou Bambo, François Neyt dit à leur sujet :
« Les Songe, au Nord-est, les appellent Bambo, mais eux-mêmes se désignent sous les noms précis de familles et des clans : les Bakwa Kalonji, les Bakwa Kalonji ka Tshimanga et parentés, les Bakwa Ndoba, les Bakwa Bowa, les Bakwa Kalonji Ka Mpuka[5] ».
D’autres peuples environnants leur accordent traditionnellement des noms particuliers : « Ceux du Kiluba les appellent Bahemba parlant Cihemba[6]. Les Basonge et les Bakete les nomment Bambo parlant Bwambo[7]. Les Bachokwe de l’Angola et du Congo parlent des Bakaloshi[8]. Les Bakuba les désignent sous le nom de Bayete ou Beete[9]. Les Bangongo les identifient sous les expressions Beya au pluriel, Mweya au singulier parlant Lweya. Les Bangende les nomment Beete, au pluriel Mweete au singulier parlant Lweete. Les Bushong et les Bapiang les appellent Banget au pluriel, Nget au singulier parlant lunget. Les Mbangani ou Babindi les appellent Bakula. Les Batetela les reconnaissent sous le vocable Alembi. Les Rund les appellet Aturoj au pluriel, Karov au singulier… D’autres noms étaient collés à une partie ou à l’ensemble des locuteurs du Ciluba : les Bena Moyo, les Bashilange[10]… ».
Dans la même dynamique, est apparue récemment dans la foulée une expression nouvelle qui, comme pour différencier les Baluba, insiste sur une dimension géographique : Baluba du Kasaï.
Ndaywel rapporte à ce sujet la position que voici :
« Hilton Simpson, membre de la fameuse expédition Torday-Joyce, visita Lusambo en 1908 et nota à l’époque qu’il existait une quantité d’indigènes mêlés, n’appartenant à aucun village et que les Blancs du Kasaï appelaient Luba, mais qui en réalité n’appartenaient pas plus à cette tribu qu’à une autre. Tout ce groupe devint les Luba. (Hilton-Simpson, M. M. W., 1911 : 72[11]).
Il est à signaler ici que la naissance de la province du Kasaï comme délimitation administrative est post-coloniale. Et que les habitants de la Lubilash ne pouvaient pas traditionnellement s’identifier par le nom d’un cours d’eau dont ils n’habitaient pas les abords. Le Kasaï est une rivière éloignée. Au Kasaï oriental aujourd’hui habitent les Baluba du Kasaï locuteurs du Kiluba sur l’entièreté de la région du Sud jusqu’à la Lubilash. Citons les Baluba Lubangule dans le Territoire de Kabinda, les Baluba Shankadi dans le Territoire de Ngandajika, les Bene Kabamba Ngombe ou Bene Matamba dans la zone de Mwene Ditu, les Bayambayamba et Bahuni dans le Sankuru[12].
RAPPORT AUX BALUBA LUBILASH
Quant au terme Baluba Lubilash lui-même, disons qu’il est chargé d’une certaine ambiguïté dans la mesure où il désigne autant les locuteurs du kiluba, installés dans les régions qui bordent cette rivière, notamment les Baluba de Kabamba Ngombe, ou dans l’extrême Sud du Katanga, les autochtones de la chefferie de Bene Samba de Lubilash[13] et les Bene Kalundwe du Territoire de Kanyama, autant que les locuteurs actuels du Ciluba résidents dans la contrée de l’entre Lubilashi-Lubi-Mbuji-Mayi ! Dire que les locuteurs du kiluba habitent exclusivement au Katanga et que ceux du Ciluba sont cantonnés uniquement dans les provinces du Kasaï ne correspond pas à la réalité de terrain.
QUID DE L’ORIGINE DES LOCUTEURS DU CILUBA ?
En étendant la recherche plus loin, on s’aperçoit, comme l’indiquent d’autres auteurs, que l’origine des locuteurs du Ciluba se situe à un nœud anthropologique intermédiaire issu des rencontres contingentes survenues en amont de l’histoire des migrations. Une des hypothèses émises, quant à ce, est celle d’Edmond Verhulpen qui propose cette version : « On peut admettre aussi que les Baluba du Kasaï soient des Basonge ayant asservi des populations diverses[14] ». Dans la même logique, ajoute-t-il : « Baluba du Kasaï, Bena Luluwa et Basonge seraient venus du Buhemba, du pays du Maniema[15] ». Une théorie parmi tant d’autres !
Ici, on n’est pas loin de la position soutenue par Kabamba Nkamany a Baleme pour qui :
« Selon les récits des anciens Songye, les Luba (Bambo) et les Lulua sont les descendants des jumeaux de Pidi Songye qui, ayant pratiqué l’inceste, ont été chassés et s’étaient frayé leur propre chemin errant dans la brousse[16] ».
Au nombre des tenants de l’origine orientale de ce peuple, il y a Nsomwe Tshiswaka (un Musonge) qui, lui aussi, les fait provenir du Lac Tanganika où, d’après lui, se situerait le Sanga a Lubangu originel[17].
Une autre version, assez invraisemblable, est celle qu’avance V. Ilunga qui soutient que les Baluba du Kasaï, à travers leur ancêtre (?) Mbidi Ciluwa, viennent du Rwanda[18]. Pour sa part, Kavuma Ditunga ramène le même peuple, à travers leur ( ?) ancêtre Mbidi Ciluwa, plutôt du côté de l’Atlantique[19] !
POINTS DE VUE DES LOCUTEURS ORIGINAIRES DU KASAÏ
Parmi les chercheurs originaires du Kasaï, la position la plus répandue est celle qui soutient que les Baluba du Kasaï seraient venus du Katanga d’où ils se seraient séparés avec les locuteurs du Kiluba…
A cet effet, l’histoire de Nsanga a Lubangu a été présentée pour raconter les migrations des Baluba du Kasaï. Pour certains auteurs, Nsangaa Lubangu fut un grand arbre lusanga portant une entaille lubangu pour indiquer la bonne direction aux suivants[20]. D’autres accordent à ce vocable le sens d’un rassemblement des Baluba en signe de paix avant de décider à l’amiable de leur séparation[21].
Pour d’autres, c’est la déformation linguistique[22] du terme nsamba qui serait devenu nsanga au Kasaï, mot qui désigne le lac Nsamba entre Kabongo et Kamina, au Katanga.48
Pour d’autres encore, lubangu signifie simplement l’Orient. Quelques-uns le localisent au Kasaï Oriental chez les Bakwa Mulumba[23], d’autres dans une localité près de Mbuji-Mayi nommée Citenga wa Mbombo[24]. L’existence chez les Karund, dans le Territoire de Kapanga à Sakapemba d’un arbre de la dispersion[25], d’après la tradition de là, pourrait suggérer que le Nsangaa Lubangu se localise chez les Balunda.
D’autres auteurs encore le situent au bord du lac Tanganika[26], sans toutefois préciser si c’est au Kivu ou au Katanga, pour la rive occidentale ; au Burundi ou en Tanzanie, pour la rive orientale. Mettre en rapport Nsangaa Lubangu avec le Tanganika nous renvoie à l’explication qu’en donne Nsomwe Tshiswaka autout de l’argument suivant :
« …Il s’agit du lac Tonganyika et non Tanganika, comme on le nomme. En effet, en luba shaba (Katanga) Tonga signifie « étoile » et Tonganyika signifie « l’étoile mère ». Tonga signifie aussi diamant ou mutoto. Le Lac s’appelle Tonganyika. La terre située autour de ce lac, dans le dorsal de ce continent et dont Mvidye Kalombo prit possession, il l’appela : Nsenga ya Lubangu. Nsenga signifie terre ou domaine, Lubangu est l’appellation de la couronne des Balopwe qui est encore portée de nos jours par beaucoup de chefs coutumiers à travers notre pays. Les premiers traducteurs ont écrit que Nsenga = Nsanga. Ce qui ne signifie rien quand on y ajoute le reste[27] ».
D’autres chercheurs l’implantent aux abords des lacs Kisale et Upemba, au centre du Katanga, à l’endroit où les fouilles archéologiques avaient révélé, au village Nsanga, la présence des Baluba vers le VIIIe siècle après Jésus-Christ[28]…
Quant à Loth Malemba Tshimanga, il avance que les Baluba du Kasaï viennent des Juifs, descendant du Fils de Jacob nommé Ruben[29]. Ainsi situe-t-il le Nsangaa Lubangu au Proche-Orient. Dans la foulée, il avance que le terme luba est une allitération linguistique du nom de ce prince juif Ruben. Les Ba-Ruben seraient ainsi devenus Baluba !
Au sujet de ces migrations hypothétiques, certains auteurs les situent avant la formation des Empires des Baluba au Katanga (Lire Neyt François, op.cit. p.211), n’ayant pu trouver aucun symbole de pouvoir centralisé au Kasaï. D’autres soutiennent, par contre, que ces mouvements migratoires furent provoqués par la guerre ayant opposé Nkongolo Mwamba et Kalala Ilunga[30].
D’autres encore font remonter ces migrations longtemps après l’érection des empires successifs, jusqu’au XVIIe siècle finissant[31] !
A cette palette de raisons, s’ajoutent les querelles lancinantes entre princes héritiers pour la succession au trône[32]. Sans oublier les calamités naturelles dues aux crues et aux inondations survenues dans les zones lacustres du Katanga.
Une des causes majeures serait, évidemment, le premier « schisme » historique entre les Baluba Lubilash et les Bena Luluwa:
« Les traditions de ces deux groupes ethniques concordent sur ce point qu’ils ont une origine commune et qu’ils se sont séparés parce que les hommes de Bena Luluwa refusaient de travailler aux champs[33] … ».
Evoquons également, d’une part, la situation découlant d’une période des disettes[34] que certains historiens avancent pour justifier la dispersion, et d’autre part, l’argument en faveur d’une séparation à l’amiable, donc volontaire entre frères. Ce qui aurait occasionné pour certains le renoncement au nom Baluba[35] !
Voici l’explication que fournit Mabika Kalanda à ce sujet :
« …Une grande masse des Baluba se décida à quitter le Katanga en direction du Kasaï. Cette masse était d’abord celle des extrémistes qui voulaient rompre à jamais avec Ilunga Mbidi et son peuple, puis vint celles des gens qui fuyaient la famine plutôt que l’autorité du grand Mulohwe. Les extrémistes étaient décidés d’abandonner tout ce qui pouvait rappeler leur communauté avec ceux qui restaient sur la terre des ancêtres. Ils ne voulurent pas s’appeler Baluba et choisirent d’autres noms pour se désigner ou reprirent les appellations ayant précédé la constitution du premier empire : ainsi les Basonge, les Bakunda… Les autres s’intitulèrent qui Bene Kanyoka, qui Bene Konji. Les plus modérés gardèrent hardiment la dénomination qui rappelait leur origine à tous : ce sont les tribus Bakwa Kalonji, Bena Tshiyamba, Bakwa Dishio, Bakwa Bowa, etc. et continuèrent à s’appeler Baluba. Les Bena Lulua ont renoncé à cette appellation à la fin du XIXe siècle[36] ».
INCERTITUDE PERSISTANTE
Pour sa part, Vansina Jan[37] suggère qu’il ne serait pas impossible que les Baluba du Kasaï[38] aient été des Basonge[39] vaincus et refoulés vers l’extrême Ouest en fuyant les guerres des conquêtes[40] que les Baluba locuteurs du Kiluba menaient en pays des Basonge[41], au XVIIIe siècle, avec l’empereur Mwine Kadilo. L’on comprend que face à cette ambiguïté Ndaywel ait pu écrire : « L’occupation du Kasaï constitue une page particulièrement controversée de l’histoire luba[42] ».
Abondant dans le même sens, pour sa part, Muya Bia Lushiku avait-il fini par admettre : « Jusqu’à présent, aucune hypothèse n’est venue éclairer la situation. La dernière tentative d’explication des migrations luba est celle de Jan Vansina. Celui-ci laisse planer l’incertitude en concluant que l’origine des migrations du Katanga vers le Kasaï n’est pas connue[43] ».
Une évidence : jusqu’à ce jour, la discussion sur l’origine de ces migrations à partir du Katanga demeure vive entre chercheurs.
À partir de l’expansion multidirectionnelle des locuteurs du Kiluba, il est vraisemblable d’imaginer qu’une partie des Baluba se soit dirigée au Nord-ouest. Autant dire que les deux sortes de Baluba, ci-haut évoquées, ne peuvent se réduire uniquement aux locuteurs du Kiluba et Ciluba[44], les communautés dérivées ayant engendré dans leurs migrations, à des époques différentes, plusieurs branches de groupes anthropologiques (en dehors de la seule direction empruntée par les Baluba du Kasaï) revendiquant la même conscience culturelle et historique articulée autour d’une langue commune d’origine, le kiluba.
Notons aussi que les données archéologiques en notre possession (cfr. Découverte de la statue d’Osiris) montrent que des transactions de toutes sortes existaient depuis plus de 2300 ans avant Jésus-Christ entre la Mésopotamie, l’Arabie, l’Égypte antique et le Buluba. Quant aux données linguistiques, elles révèlent que les Babemba se sont séparés avec les locuteurs du Kiluba il y a plus de 2000 ans, soit à la naissance de Jésus-Christ à Bethléem. Les mêmes données linguistiques indiquent la profondeur de plus de 1200 ans depuis la séparation entre le Ciluba et le Kiluba. Affirmation qui bat en brèche la thèse soutenue par les tenants de la matrilité originelle des Baluba autour de l’événement de Nsangaa Lubangu fixé entre 1600 et 1650 (donc un épisode contemporain créé par certains chercheurs autour des années 59 et 60) cherchant à greffer l’histoire de la séparation entre les Baluba aux temps des empires. Ce qui n’est pas conforme à la vérité historique. Car, comme précisé plus-haut par l’argument linguistique, cette séparation est intervenue il y a plus de 1200 ans.
Nous nous gardons, à cet égard, de citer les Cewa, les Bisa, les Wagenia, les Pende, les Zoulou, les Wazula…, autres embranchements Baluba découlant de cette « polyfragmentation echélonnée » (cf. Manda Tchebwa, 2014) sur tant d’années d’histoire des migrations.
Que retenir de telles dissensions ? Si ce n’est, ainsi que l’indique non sans raison Crine-Mavar que : « Toutes ces dissidences (des peuples lunda) eurent pour point de départ un lieu voisin de Sakapemba que les arrund ont immortalisé poétiquement : le lieu de l’arbre de la dispersion[45] », terme utilisé par les défenseurs de Nsanga Lubangu pour désigner l’arbre à entaille aux pieds duquel la dispersion des peuples s’effectua ! Du coup entre flexibilité mémorielle due à la malléabilité de la tradition orale et aux effets de fabulation subséquents, chaque communauté se revendiquant la légitimité de l’origine Múlúba s’est fabriqué son foyer originel centripète, son Nsangaa Lubangu, fût-ce au prix de l’articuler spatialement sur des territoires difficilement justifiables du point de vue de la vérité historique.
Le problème de la localisation de ce fameux foyer matriciel nous ramène ainsi à la même question, presque sans réponse, que se posait, il y a quelques temps encore, Tshimbombo Mudiba en ces termes : « Quelle est la place ou la région exacte où se situerait le célèbre Nsanga Lubangu qui a été au centre de dispersion des lubas ? Les Luluwa, interrogés, le placent à l’Est du pays Luluwa, certains chez les Bena Kalala, d’autres chez les Bakwa Mulumba, Bena Tshiyamba (Kasaï oriental). Lorsqu’on interroge les vieux des luba du Kasaï oriental, eux, ils fixent le Nsangaa Lubangu à l’Est de leur Territoire dans la région du Shaba. C’est ainsi que selon les renseignements recueillis par Kabese Bernard, le Nsanga Lubangu serait au pays de Mutombo Mukulu dans la région du Shaba, là où les Bantoulogues placent le centre de dispersion des Bantu. Le problème reste posé et l’énigme demeure insondable ». Le point certain est que tous les luba du Kasaï viennent de l’Est du Zaïre où ils avaient connu une grande dispersion au pays de Nsangaa Lubangu (le chêne à entaille) qui demeure leur point de repère inoubliable, mais aussi impossible à localiser exactement. Coïncide-t-il avec le point de dispersion des Bantu situé au bord du lac Kisale, là où certains auteurs fixent le Centre de dispersion des Bantu ? On ne peut encore donner une réponse satisfaisante[46]».
A NOTRE AVIS
Un tel débat nous ramène à une seule réalité : l’histoire de Nsanga a Lubangu, présentée sous cet angle, est insoutenable car les auteurs sont incapables, à cette étape de la recherche, de nous dire ce qu’il en est au juste de cette fameuse origine tant controversée.
A notre avis, les Balubilash et les Bena Luluwa sont des Baluba de la deuxième catégorie[47] au même titre que l’ensemble des autres peuples de parenté Múlúba, que ce soit ceux du Malawi, de la Zambie, de la Tanzanie, du Zimbabwe, de la Province orientale, du Maniema, du Sud Kivu, du Bandundu…
En ce qui nous concerne, nous ne soutenons pas l’histoire de Nsangaa Lubangu pour les raisons suivantes : a) les données archéologiques ont montré que les transactions commerciales et les contacts profonds avaient existé il y a plus de 2300 ans entre la Mésopotamie, l’Egypte ancienne, l’Arabie antique et le Buluba[48] ; b) les données linguistiques ont révélé pour leur part que la séparation entre le kiluba et le ciluba s’opéra il y a de cela 1200 ans.
Jugez-en par vous-même : l’écart chronologique est impressionnant face aux tenants de la thèse matricielle de Nsanga Lubangu (1600- 1650[49]). Et puis, une langue nouvelle différente de la langue mère ne peut pas se former en moins d’un siècle. Car, Monseigneur Declerq Auguste arrivant à Mikalayi en 1894, écrivit la grammaire de la langue des Bena Luluwa en 1897. Le Kiluba (L33) n’est pas le cena Luluwa (L31). Il faut beaucoup de temps pour qu’une langue d’une poignée des migrants se dote des règles lexico-syntaxiques différentes de celles de leur origine (le Kiluba) et de celle des autochtones trouvés sur place au Kasaï (Bakete, Balwalwa, Babindi…).
[1] De Jonghe, cité par J. Maes et O. Boone, Les peuplades du Congo, Imprimerie neuve, 1935, p. 112
[2] R. P. Colle, Baluba I, Albert Dewit, Bruxelles, 1913, p. 67.
[3] E. Verhulpen, Baluba et Balubaïsés du Katanga, Anvers, 1936, pp. 64 et suiv
[4] Il importe de préciser qu’en termes de dation, selon l’indication qu’en donne J. Vansina, « pour toute la région du Kasaï, il n’y a actuellement ni traditions, ni autres documents qui remontent au-delà du XVIIIe siècle. Cependant, on peut supposer que toute la région située à l’Ouest des Lulua et au Nord-Ouest des Kaniok était occupée par les Kete du Sud et du Nord. Les Luba du Kasaï vivaient dans un triangle compris entre les pays Lubilash, Bushimai et Kaniok et il se peut qu’ils aient déjà alors commencé à s’infiltrer chez les Lwalwa, Mbal, Sala Masu, Kongo du Bas Lweta et de la vallée du Kasaï. A l’Est, le pays était occupé principalement par les Songye ». J. Vansina, op. cit., p. 60.
[5] F. Neyt, Luba aux sources du Zaïre, Musée Dapper, Paris, 1994, p. 223.
[6] Tshimbombo Mudila, La famille bantu Luluwa et le développement, Rome, 1975, pp. 90-92.
[7] Tshimbombo Mudila, La famille bantu Luluwa et le développement, Rome, 1975, pp. 90-92.
[8] E. Verhulpen, op. cit., p. 338.
[9] Information recueillie auprès de maman Arminda Aurelio, une Angolaise de la tribu du Sud Umbundu
[10] Information recueillie auprès de Crispin Luhohongu wa Nkamba, un prince mukete de Bakwa Nkenge, au Kasaï Occidental.
[11] I. Ndaywel e Nziem, Histoire de zaïre. De l’héritage ancien à l’Age contemporain, Duculot, Louvain
[12] Lukanda Lwa Malale, Les Baluba, une histoire à réécrire, inédit, 2014.p.1089
[13] Olga Boone, Carte ethnique du Congo, quart sud-est, Mussée Royal de l’Afrique centrale, Bruxelles 1960, p. 14.
[14] Verhulpen,op.cit., p.46.
[15] Verhulpen,op.cit., p.70.
[16] Kabamba Nkamany a Baleme, Zaïre. Le Busongye, minorité pharaonique ? Aide-mémoire pour une action affirmative, Nkamanyland, Kinshasa, 1996, p. 41.
[17] NSomwe Tshiswaka, Bulumbwe. Tradition initiatique africaine. Cas du Zaïre, Lubumbashi, 1966, p. 52
[18] Muya Bia Lushiku Lumana, Les Baluba du Kasaï et la crise congolaise (1959-1966), Lubumbashi, 1965
[19] Kavuma Ditunga, Kale ne kalele ka bisamba bietu, éd. Franciscaine, Mbuji-Mayi, 1980, pp.35-38.
[20]Ibidem
[21] Tshimbombo Mudiba, op.cit. pp.68-72
[22] I. Ndaywel, op.cit. p.144
[23] Mpoyi Mwadyavita, op.cit. p.19
[24] Tshimbombo Mudiba, op.cit. pp.68-72
[25] Crine-Mavar, op.cit. p.70
[26] Nsomwe Tshiswaka, Le Bulumbwe, tradition initiatique bantu, cas du Zaïre, Lubumbashi, 1986, p. 52.
[27] Ibidem.
[28] Mpoyi Mwadyavita, op.cit. p.19
[29] Lufungula, Notes inédites, 1982.
[30] Verhulpen E., op.cit. p.70
[31] Mabika Kalanda, cité par Muya Bia Lushiku Lumana, op.cit. p.23-24
[32] Kavuma Ditunga, op.cit. pp.35-38
[33] De Jonghe, A propos de la politique indigène. Le respect de la coutume. In Congo, Tome I, N°1/1921, p.751
[34] Muya Bia Lushiku Lumana, op.cit. pp.23-24
[35] Tshimbombo Mudiba, op.cit. pp. 68-72
[36] Mabika Kalanda, op. cit
[37] Lire les travaux de cet auteur
[38] Lire pages afférentes
[39] Lire pages afférentes
[40] Lire pages afférentes
[41] Vansina, op.cit., p.122
[42] Ndaywel, op.cit. p.142
[43] Muya Bia Lushiku Lumana, op.cit. p.24
[44] Précisons ici que le préfixe ch (tsh, ch) n’est, à mon avis, qu’une prononciation allitérée du préfixe ki en usage dans la plupart des parlers de la zone bantoue du Congo. De même que l’on dit le Kikongo, le Kisonge, le Kilamba, le Kiswahili, de même il est permis de parler du rapport phonémique entre chibemba et Kibemba. En réalité, Kiluba et Ciluba ne devraient pas renvoyer à deux langues différentes des Baluba comme c’est le cas aujourd’hui. Le préfixe KI s’interchangeant librement avec le phonème chi tout en s’ancrant dans une même réalité linguistique. Donc Kiluba et Ciluba, comme tant d’autres langues de la même parenté linguistique, procèdent d’une langue unique des Baluba (le Kiluba). Ainsi, Tundu Kyalu déclara-t-elle : « Bien que les autochtones (Kalundwe) nomment leur langue le « Tshiluba », nous avons adopté pour notre travail l’orthographe «Kiluba» pour la distinguer du Tshiluba du Kasaï qui est bien différent du leur». (TUNDU KYALU: 1980, pV).
[45] Crine-Mavar, op.cit., p.70
[46] Tshimbombo Mudiba, op.cit., pp.68-72
[47] D’après Edmond Verhulpen, citant Vervaecke, « les Bena Luluwa (apparentés aux Baluba) viendraient de l’Est du Lomami, du Katanga, du pays des Baluba. Ils auraient quitté ce pays parce qu’un de leurs ancêtres, Muyembe, aurait été battu par les Baluba au cours d’une guerre malheureuse. Les Bena Lulua seraient des Bapemba. L’ancêtre Muyembe, battu par les Baluba, est peut-être le roi Kongolo, d’origine Muyembe (Bayembe ou Basonge), battu par les Bakunda d’Ilunga Mbili, le fondateur du second empire des Baluba ». Verhulpen, op. cit., p. 70.
[48] Banque du Congo Belge 1909-1959, éd. L ; Cuypers-Bruxelles, cité par Gilbert Mbangu a Mukkand, Le Katanga et son destin, éd. Gmb investa, Lubumbashi, 1995, p.1.
[49] Mpoyi Mwadya Vita, op. cit. pp 19-20.
Commentaires