Selon la cosmogonie, le Múlúba est un « égaré » victime d’une faute originelle dite le « Búlúba ». Cette dernière notion a fait l’objet de plusieurs interprétations dont voici quelques-unes parmi les plus connues :
VERSION DE THÉODORE THEUWS
Un récit de la chute de l’homme Múlúba, recueilli par T. Theuws, montre celui-ci mangeant les fruits rouges et noirs que Vidye lui avait défendus sous peine de souffrir et de mourir[1]. Ce qui est à remarquer, surtout dans ce récit est que l’homme ment à Dieu. Il confirme ainsi sa qualité deMuluba ulubanga mu kanwa, (= « Múlúba est dit coupable pour avoir enfreint la loi par les œuvres de la bouche.)
Avec un peu plus de détails, nous avons ainsi relaté l’explication que donnent les Baluba sur l’origine et la cause de la mort (et du mal) :
« La tradition accorde une réponse fondamentale qui replonge l’homme à la genèse de l’humanité. Dieu, en créant le premier homme, nommé Ilunga Nshi Mikulu, il ne lui voulait que du Bien. Il se fit découvrir à lui, non seulement comme Sh’a-Kapanga, l’ordonnateur, le créateur, mais aussi comme Kalombo, le Maître, l’enseignant, le docteur, le guide, l’initiateur. Il se magnifia ainsi : « I ami vidye kalombo kyebalombwele, bashala nabo kebeye».
Traduction :« C’est moi l’Esprit Maître qui les initia et ils restèrent des apprentis. »
Le Créateur aimait l’homme qu’il avait créé libre. Il l’initia en lui apprenant à pratiquer le bien pour mieux vivre et à éviter le mal pour ne pas souffrir et mourir. Le Révérend Père Théodore THEUWS, missionnaire dans le pays des Baluba, avait recueilli ce texte de l’édiction de la loi divine et de sa transgression par l’homme. Dieu présenta à l’homme qu’il venait de créer deux arbres, l’un portant les fruits rouges et l’autre des fruits noirs. Il lui recommanda de ne pas manger de leurs fruits afin de jouir d’une vie pleine, heureuse et abondante. S’il les consommait, il devait souffrir et mourir. Dieu le quitta et retourna momentanément à sa cité. Quand il revint, il trouva que l’homme avait mangé de l’arbre des fruits défendus. Lorsqu’il lui demanda s’il avait touché aux fruits noirs et rouges, l’homme nia qu’il ne les avait pas mangés et ainsi la mort et la misère entrèrent dans le monde[2].
La mort est entrée dans le monde par un acte de désobéissance de l’homme suivi d’un mensonge. C’est ce qui explique le sens du mot Múlúba dans la tradition. Il est Múlúba waluba mashinda, le coupable qui se perd sur la voie, c’est-à-dire qui enfreint la loi divine. Il a oublié la loi qui devait le conduire à la cité de son père Dieu : « Waluba’nka ne diya kwabo[3]».
Il clarifie que son kilubo, sa faute, a été commise à travers la bouche, et qu’il n’est pas un égaré sur le chemin physique tracé sur la terre.
Le premier homme avait, par la bouche, mu kanwa, mangé les fruits défendus et par la même bouche, menti qu’il ne les avait pas consommés. La bouche tue l’homme et cette bouche peut aussi le sauver. C’est pourquoi l’image de la nourriture, par référence à la consommation originelle de ces fruits noirs et rouges défendus, fait partie intégrante de la définition de l’homme Múlúba en tant qu’un astreint à la loi d’un manger scrupuleusement réglementé pour ne pas mourir. Tel est le sens du terme Múlúba ».
L’expression de kuluba mu kanwa est au cœur du Buluba et tout effort d’intelligence de ce terme qui ne la prend pas en compte s’écarte d’avance de son objet.
Cet aspect de la question a donné lieu à plusieurs interprétations historiques de la part d’un certain nombre de chercheurs africains et occidentaux dont nous ne partageons pas personnellement les opinions :
VERHULPEN
« L’origine de termes Baluba et Kiluba est inconnue. Il semble que l’origine de ce mot doit être recherchée selon certaines traditions indigènes dans un sobriquet donné à Nkongolo et aux guerriers qui l’accompagnaient à cause de leurs férocités, de leurs ravages, de leurs tromperies[4]».
COLLE
« Les Baluba sont les sujets du grand chef LUBA[5] ».
KAVUMA DITUNGA :
«Mukalenga Mbidi Ciluwa umbukile pende mwine mu cimwangi amu, ne bana bende kuyabo ku mayi a mbu Atlantique, ekubanda wenda ulonda njila ya nyama too ne ku muaba ukadibo basa kudi b.k. (…) mbidi-ciluwa ne bana bende, ne bankana bende, badi batungunuka ne luendu, bajukile mu buloba buvwabo too, benda balonda amu kuvwa diba dipatukila, ne bashimate amu mu njila wa nyama ya nzevu, too ne pafikila bo ku buloba bwa cijila ku mayi a dijiba dia Nsamba, ke kusombabo. bamane kufika, bakamonangana ne batwa. bu muvuabo kabayi bumvuangana ku mwakulu, batwaba vua babamba mu mwakulu wabo ne“banu bantu eBaluba dishinda, mmumwe ne: “aba bantu mbapanga njila wa kudibo baya. ke mwaku wa batwa au kutulamata, tukadi bashala nawone: aba mBaluba. nanku baluba mbapate dina diabo adio ku dijiba dia Nsamba mu buloba bua Kamina[6] ».
Tradiction : « Le Seigneur Mbidi Ciluwa partit au cours de cette migration avec ses enfants. Il se dirigea vers l’Océan Atlantique, puis alla en amont suivant la piste des animaux jusqu’au lieu où sont installés les B. K. (…) Mbidi Ciluwa et ses enfants ainsi que ses petits enfants poursuivirent leur voyage, quittant le pays où ils étaient, suivant toujours la direction de l’orient, n’abandonnant point la piste des éléphants jusqu’à ce qu’ils parvinrent à la terre des interdits, aux eaux du lac de Nsamba, et ils s’installèrent. Une fois arrivés, ils rencontrèrent les pygmées. Comme ils ne se comprenaient point au niveau de la langue, les pygmées disaient à leur sujet dans leur langue : « Banu bantu ebaluba dishinda», c’est-à-dire «aba bantu mbapange njila wa kudibo baya». Autrement dit : « Ces gens ont perdu le chemin qui les mène où ils vont ».
C’est ainsi que cette parole des pygmées se colla à nous, et nous restâmes avec : « Aba Mbaluba», ceux-ci sont des Baluba. Donc, les Baluba ont reçu leur nom au Lac de Nsamba dans le territoire de Kamina.
MPOYI MWADYAVITA
«Baluba-Lubilanji badi bamba boobo ne : «pa mwebeji Bulanda kudi ye (Mbidi Kiluwa) ufumina, kwandamuna ye ne : «Muluba dishinda! », mmomumwe ne ndi mujimine njila. kuluba dishinda mmomumwe ne ndi mujimine njila. Ke kudi kufumine diina dya Baluba[7]».
Trad. : « Les Baluba-Lubilanji déclarent quant à eux : lorsque Bulanda lui (Mbidi Kiluwa) demanda d’où il provenait, il lui répondit : «Múlúba dishinda», j’ai perdu le chemin! Kuluba dishinda veut dire (en Ciluba) kujimina njila, perdre le chemin, s’égarer sur la voie. Là est l’origine du nom Baluba ».
Pour nous, le peuple Muluba a existé avec sa langue Kiluba bien avant l’avènement et de Nkongolo Mwamba, et de Mbidi Kiluwe, et de Kalala Ilunga… Des preuves historiques existent en faveur de cette affirmation, telles que nous montrent les périodes d’expansion de ce peuple à travers son histoire.
[1] T., TheuwsTextes luba, 1933, pp.62-63
[2] . Ibidem, pp. 62-63. (encadré) Le même mythe sur l’origine de la souffrance comme conséquence logique découlant de la transgression d’interdit originel nous est rapporté par Clémentine Madiya Faik-Nzuji de cette manière: “Après que le ciel fut séparé de la terre, les hommes s’installèrent vaille que vaille sur la terre encore déserte: les uns dans les vallées, les autres dans la plaine, d’autres encore sur lesflancs des montagnes au bord des cours d’eau.Leur désobéissance avait entraîné parmi eux maux et souffrances de toutes sortes: maladies, famines, homicides, querelles entre parents, vols etc.”
[3] Lukanda Lwa Malale, Nnumbi ne Mitontwe (Poèmes Kiluba), éd. Kivunge, Lubumbashi, 1995, p.7.
[4] Verhulpen Edmond, Les Baluba et Balubaïsés du Katanga, éd. Avenir Belge, Anvers, 1936, p. 31.
[5] P., Colle., op. cit., p. 1
[6] Kavuma Ditunga, Kale ne kalele ka bisamba bietu, histoire et préhistoire de nos tribus, éd. Franciscaine, Mbuji Mayi, 1980, pp.8-9
[7] Mpoyi Mwadyavita, Luendu lwa Baluba, difunda dibidi, Kananga, 1987, p.21. vunge, Lubumbashi, 1995, p.7.
One Reply to “LE MYTHE DE LA FAUTE ORIGINELLE”
KABALA KABONGO, mai 31, 2025
Twasakidila.