ILUNGA KAKENDA MBIDI KILUWE
De son nom complet « Ilunga Kakenda Mbidi Kiluwe kya Bupemba, kyakateele ku nsulo ya Lumami, kilemo kyakamucibikila’ko, kaiya makasa ku mutwe », désigne le héros civilisateur muluba. Il fut un personnage historique réel et non légendaire, pétri de chair et de sang, ayant vécu physiquement sur cette terre des hommes, comme chacun d’entre nous.
Ilunga Mbidi Kakenda, Kiluwe kya Bupemba, la civette unificatrice qui partira (Kakenda, le chasseur du pays des saupoudrés de kaolin (des rois). Ilunga Mbidi se présente comme un roi, un homme animé de bonnes intentions. Chasseur de civettes noires, il était de teint noir foncé, robuste, géant et fort, doué d’une intelligence très aiguisée. Il était reconnu pour sa sociabilité et son sens pointu d’organisation.
Sa zone d’origine s’appelle bien Bupemba ou Upemba, mais ce terme signifie la région, bien sûr à l’Est du Fleuve Lwalaba, mais soumise à l’autorité de l’Esprit tutélaire du territoire, Kibawa Mupemba, comprenant les actuels Territoires de Manono, Moba, Nyunzu, Kabalo, Kalemie… Buhemba ici au pays situé entre le Lwalaba et le lac Tanganika et d’une façon précise du Bukunda, pays des Bakunda, de Mwenge Kamania (…). Et non du Lac Upèmba comme certaines autres versions le déclarent.
Fils aîné de Sendwe Ilunga Mwalaba, petit-fils d’Ilunga Kanyema Mbidi, progéniture de Dita dya Boya, il est natif du Royaume de Kibawa Mupemba, à Membe. La capitale de ce royaume était implantée dans l’actuelle province du Tanganika, collectivité de Nganye, Territoire de Moba, contrée habitée jusqu’à ce jour par les Baluba-Bakunda, locuteurs de la langue kiluba. C’est pourquoi on dit qu’il était un Múlúba Mukunda. Car, les Baluba forment une ethnie et les Bakunda en sont une des tribus majeures. Nous sommes au XIIème siècle, d’après les données des dernières recherches historiques sur la genèse de l’empire kiluba.
Son Père, Sendwe Ilunga Mwalaba, était Mulopwe de ce Royaume de Kibawa Mupèmba autrement appelé Nyembw’a kunda. C’est pourquoi, on qualifie Ilunga Mbidi de Kiluwe kya Bupemba. Sendwe Mwalaba engendra cinq enfants dont quatre garçons, à savoir Ilunga Kakenda Mbidi Kiluwe, Kibinda Mupemba (fondateur du royaume de Kayembe Mukulu dans le territoire de Sandoa), Bumbwe Mbidi (le fondateur de la royauté de Kinkondja, dans le Territoire de Bukama), Ndala Ilunga Mbidi, et une fille nommée Mwanaana Mukaya Mfyama (qui devint l’épouse d’un chef arrund).
Pour des raisons personnelles, le Roi Sendwe Ilunga Mwalaba préférait sa fille Mwanaana et souhaitait que celle-ci lui succède sur le trône à sa mort. Ce choix fut contesté par ses sujets, qui, eux, voulaient que le prince Kakenda Ilunga Mbidi Kiluwe hérite du trône royal. Une lutte interne entre la princesse Mwanana et le prince Mbidi Kiluwe commença.
La princesse Mwanana possédait un lion qu’elle avait apprivoisé et domestiqué dans une cage, lion que certaines versions présentent comme un chien. Mbidi Kiluwe avait l’habitude de jouer avec le fauve. Un jour, en l’absence de sa sœur, il libéra l’animal pour s’amuser avec. Le lion s’échappa et disparut dans la jungle.
Au retour de la princesse, elle découvrit que son animal favori avait disparu. Elle apprit que c’était son grand-frère qui l’avait laissé s’échapper. Elle vit là une opportunité afin de se débarrasser définitivement de son rival. Elle l’obligea de ramener coûte que coûte son animal. Dans le cas contraire, elle demanderait à leur père de tuer Mbidi Kiluwe. Ce dernier prit la menace très au sérieux, sachant que son père répondait toujours favorablement aux caprices de la princesse. Kakenda Ilunga Mbidi entreprit alors la poursuite de l’animal et se mit à sa recherche. Il se fit accompagner d’une cohorte formée de serviteurs, de compagnons de chasse, de guerriers et de sa femme. Ils suivirent les empreintes du lion à travers les prés. Aux sources de la Lomami, le fauve s’était joint à un grand troupeau de lions sauvages. Au milieu d’une végétation luxuriante, il devint impossible d’identifier distinctement les marques du lion de sa sœur Mwanana sur le sol. Découragé et au bout de ses forces, il abandonna la recherche du fauve.
Ne pouvant plus retourner à Membe sans le lion, Kakenda Mbidi Kiluwe décida de poursuivre son chemin à travers la brousse. Il parcourut de centaines de kilomètres en direction du Nord. Il arriva finalement dans le pays des Baluba Bakalanga, alors sous la domination de Mulopwe Nkongolo Mwamba. Il fut accueilli à Mwibele Ntanda, près du lac Boya, à l’époque capitale de l’empire des Baluba, dans l’actuelle Territoire de Kabongo. Là, il épousa les deux sœurs du souverain Nkongolo Mwamba, à savoir Ngoy’a Bulanda Ndayi et Keta Mabela. Du mariage avec la première naîtra Ilunga Mbidi, qui sera connu sous le qualificatif de Kalala Ilunga, « Monji wa mutandabelo, utwela dito, ulupuka dito », la longue liane qui se déploie, elle pénètre dans une forêt et ressort au-delà d’une autre, c’est-à-dire, Kalala le conquérant de vastes territoires, que rien ou personne ne peut empêcher d’avancer. Le séjour de Kakenda Mbidi Kiluwe chez les Baluba Bakalanga fut bref. Mais il marqua profondément de son empreinte le Bulopwe. Il introduisit des principes socio-politiques ainsi que des manières de noblesses et du règne dans le pouvoir de Mwibele.
A son arrivée à la cour impériale, certes, il trouva le Bulopwe déjà institué, et donc, qu’il ne le créa pas. Mais vite, il s’aperçut que le Mulopwe se comportait à l’instar du commun des mortels, mangeant et buvant en public. Comme il était Prince du Royaume de Kibawa Mupèmba à Membe, Kakenda Ilunga Mbidi Kiluwe, observait à la lettre les prescrits du Mbala, c’est à-dire de la loi du Feu sacré du pouvoir. Il s’appuyait sur le fait que Buluba ne Bulopwe i kujila Mbala, kujila kudya kidyedye. Un mulopwe, et par extension un muluba véritable, s’interdit de manger n’importe où, n’importe quand, n’importe quoi, avec n’importe qui. Tout Múlúba était et demeure depuis lors un mwine mbala, un maître initiateur du Feu sacré, participant au sacerdoce royal du Bulopwe, ne pouvant manger que dans un lieu caché et/ou sacré. La cuisson de ses mets s’effectuait dans un lieu consacré, sur un feu consacré, avec une eau consacrée, gardant un silence absolu au cours de l’exercice de ce service…
Le Kijila kya kudya kidyedye embrassait aussi bien le côté éthique que spirituel. Un Mulopwe muluba était et demeure un mwana wa mulao, mulao wa Shakapanga, astreint à la loi de « Dya kimo uyuke kyoufwa », observant l’interdit de ne pas avoir les rapports intimes pendant la journée, dans la nature, avec une femme en période menstruelle, s’abstenant de se soumettre à l’alliance avec diverses divinités, de peur de tomber dans l’infidélité et dans la prostitution spirituelle. Il resterait ainsi un ujila, un consacré pour que, « amwite Nkungw’a banze, nandi ukamwitaba, s’il invoque Dieu, que celui-ci lui réponde.
La plupart des principes observés dans les us et coutumes royaux, depuis le rite d’investiture jusqu’au mode d’administration très structurée de la société kiluba, aux cérémonies d’enterrement du chef, à l’organisation de la succession, ont été légués par Ilunga Mbidi Kiluwe. Aussi est-il considéré comme l’inspirateur, si pas l’organisateur du Bulopwe des Baluba. Les anciens affirment : « Buluba ne bukalanga yemobyaidile » la qualité d’être Muluba est intimement liée à la civilisation, à la noblesse, aux bonnes manières. Les Baluba sont des Bakalanga, des civilisés, des émancipés, des évolués, des hommes polis. Ils ont répandu l’émancipation chez les peuples voisins au fur et à mesure de leurs conquêtes, sur toute l’Afrique centrale jusqu’à l’Afrique australe.
Et cela, François Neyt l’affirme si bien : « Certes, les Baluba ont été les grands diffuseurs de la culture bantu (utilisation des lances en pierre, technique de construction des cases, expansion des rites de circoncision liés aux cérémonies d’initiation » (Neyt, 1994 : 69).
A cause de toutes ces manières policées, raffinées, Kakenda Mbidi Kiluwe devint très vite le préféré du peuple. Son beau-frère Nkongolo Mwambo en fut très courroucé. Il décida de se débarrasser de son gênant hôte. Lui, Nkongolo Mwamba avait les dents limées au niveau des gencives supérieures comme marque de l’esthétique buccale. Il était pour cela un musonge meno ou mukule meno. Tandis que Mbidi kiluwe avait les siennes arrachées. Ses deux gencives inférieures étaient extraites. Cette pratique sociale s’appelait buzole meno, la chute provoquée des dents. La personne aux dents arrachées était autrement qualifiée de mukonkole meno. Chaque porteur de sa marque de beauté buccale en tirait fierté !
D’où le proverbe : « Taluka mwishinda mwiya Baluba bazole meeno », libère la voie d’où s’emmènent les Baluba aux dents arrachées. Pour un rien, un muluba muzole meeno ou musonge meeno riait aux éclats, histoire de montrer à son interlocuteur l’esthétique de sa bouche, la beauté de ses dents ! Ce sont les deux pratiques esthétiques qui étaient concomitamment en vigueur dans le Buluba ancien. Nkongolo Mwamba fut qualifié, pour ce, de Musonge, sous-entendu meeno. Ce nom Musonge à l’époque n’était pas un ethnonyme désignant une tribu ! Nsomwe Tshiswaka déclare : « Le nom réel des Basonge, c’est Bayembi, (…) » (Nsomwe Tshiswaka, 1986 : 44). Verhulpen renchérit : « Les Bayembi ont été appelés Basonge par les Européens » (Verhulpen, 1936 : 750).
Les historiens qui ne connaissaient pas cette pratique esthétique sociale chez les Baluba ont écrit que Nkongolo était un musonge d’origine venant du Maniema. Ce qui est une erreur enseignée même dans les universités dans le pays et en dehors du pays. Pour provoquer Ilunga Kakenda Mbidi Kiluwe, Nkongolo Mwamba se moquait ouvertement de la denture de son beau-frère, présentant des Bipeno, des Mabole, des vides, des méats provoqués par l’extraction de ses deux gencives inférieures. Le climat devint tendu. La convivialité devint impossible. Se sentant dans l’insécurité, Kakenda Mbidi Kiluwe résolut de retourner dans son pays natal, au Royaume de Kibawa Mupemba. Avec les siens, ils quittèrent Mwibele la Capitale, traversèrent le fleuve Kamalondo et parvinrent chez Kibawa.
Comme son Père Sendwe Ilunga Mwalaba venait de mourir, la population l’attendait impatiemment pour qu’il succède à son défunt père. A son arrivée à Membe, il fut investi Mulopwe des Baluba Bakunda du Royaume de Kibawa Mupemba, à l’Est du Buluba. Il vécut longtemps et mourut naturellement sans plus jamais revenir à Mwibele où régnait déjà son fils Kalala Ilunga Mbidi qui avait assassiné par décapitation son oncle d’empereur Nkongolo Mwamba. Après sa mort, Kakenda Ilunga Mbidi Kiluwe Kya Bupemba devint un esprit divinisé Mukishi et les Baluba continuent à le vénérer jusqu’à ce jour comme l’une des figures historiques marquantes à la genèse du Bulopwe, de l’empire kiluba.
Veuillez consulter l’histoire de Mbidi Kiluwe dans la médiathèque
One Reply to “ILUNGA KAKENDA MBIDI KILUWE”
Ilunga Bahati, avril 5, 2025
Je remercie de cette histoire. Pourquoi ne la présentez vous pas au ministère de l’éducation pour qu’elle soit enseignée correctement.