Un éclaircissement préliminaire mérite d’être apporté quant au contexte de production du présent Site Web Nation Kiluba. Dans cet ordre, mérite-t-il d’être pris en compte clairement une évidence : ce site s’inscrit dans l’orientation esthétique d’une collection dite « Beau Livre ». Ce qui nous enjoint à emprunter les canons éthiques d’un site de type « vulgarisation », puisque destiné à un public indifférencié. Celui du savant tout comme celui de Monsieur-tout-le-monde.
De la sorte, ses péripéties épistémiques tout en privilégiant l’intertextualité puisent principalement ses matériaux de base dans l’immense et immémorial legs oral des Baluba tel qu’il s’est transmis par le biais des canaux initiatiques de la confrérie Mbudye. A la fois confrérie initiatique et source légitime du pouvoir et du savoir millénaire du peuple Múlúba, le Bumbudye en est son support de transmission par excellence située au-delà d’une simple instance de mémorialisation.
De mon point de vue, le Bumbudye est le lieu où le Múlúba et son histoire d’être se conservent, se bonifient et transmettent en transcendant la Memoria sui. Mémoire transversale et partagée, qui plus est va au-delà de soi, donc au-delà de ses propres déterminismes en ce qu’elle est, tout à la fois, instance de refondation permanente et socle de la « bulubaïté ». C’est en somme le Bumbudye qui est détenteur de l’histoire, de l’éthique matricielle et de la dimension universelles des valeurs fondatrices de l’identité du peuple Múlúba. Raison pour laquelle cette confrérie occupera le centre nodal de cette production dont le parcours épistémique s’articule autour de trois grands moments.
Le premier moment est un rappel portant sur l’histoire du peuple Múlúba qu’il m’incombe de présenter dans sa dimension diachronique de manière à mieux fixer ses origines (mythiques et temporelles), ses migrations, sa « polyfragmentation sociétale » (selon les mots du Professeur Manda Tchebwa), linguistique et spatiale. C’est partant de cette dynamique qu’il nous sera donné de découvrir un peuple et ses multiples identités au cœur de sa pensée « ontomythologique », selon le terme du Professeur Bonaventure Mvé-Ondo. Apparaît soudain une civilisation majestueuse, féconde et immanente à elle-même, arc-boutée avec une fierté intangible sur une généricité matricielle unique.
Le second moment de cette recherche renvoie, lui, bien au-delà de l’histoire, à un long voyage au cœur de la cosmologie des Baluba. C’est un instant de découverte tous azimuts dans un au-delà qui n’est pas que mystérieux, mais surtout imageant puisque nappé de petites perles de sagesse et d’érudition.
D’où le recours obligé à une herméneutique exigeante, laquelle bousculant toute obscurité contingente se veut plus soucieuse du respect des règles interprétatives du lieu. La cosmologie Múlúba nous invite ici à revivre les temps mythiques sous le sceau de la loi de la « métamorphose » dont parlait Mvé-Ondo, loi « qui va du visible à l’invisible, de signes à leur envers, de la pensée du secret à la révélation », d’êtres mythiques aux personnages réels de l’histoire temporelle du peuple.
Le troisième moment, plus symbolique et sémiologique, nous introduit dans l’univers des signes sacrés du peuple Múlúba. Univers qui théorise et organise la perception des puissances vitales au sein de la communauté à l’aune de leur immanence et leur spontanéité ésotériques. Le monde des choses cachées est ici mis à rude épreuve entre volonté de révéler et souci d’éviter la transgression. Se situant au-delà de l’épopée, cet univers est celui qui nous dévoile, mieux qu’on ne peut l’imaginer, les ressources abyssales d’une pensée immémoriale dont la structure formulaire est tributaire d’une oralité sensée, opérant parallèlement à une scripturalité insoupçonnée que véhicule le lukasa (son support sacré). Ce qui le dispense de l’opprobre de la péjoration qu’implique une désignation du genre « peuple sans écriture » qu’on aurait tendance à attribuer aux civilisations bantus. Cette écritoire sacrée des Bambudye, avec son alphabet original et ses règles d’élaboration inédites, est, on le verra, capable de fabriquer l’exceptionnel et le merveilleux, l’inédit et le mémorable. En un mot, une logique fondatrice de sa propre interprétation et sa « dignité théorique ».
Affranchis de la seule autorité des sciences conventionnelles, pour partie ce sont mes multiples savoirs d’initié « villageois » qui président avec la même assurance à l’aventure qui m’a conduit à la production de ce livre. Ouvrage qui n’est pas soumis qu’au seul primat d’un discours de nature ontologique (en tant que lieu où l’homme se découvre dans sa nanodimension d’être), mais aussi à une exigence humaniste. C’est l’homme, et lui-seul, qui justifie tant d’effort de recherche, de compréhension de son mode de pensée et son rapport au cosmos, à la transcendance, à la divinité. Tout son savoir, il l’a forgé, comme figé, dans sa manière simple de communiquer avec son frère, avec autrui et avec les êtres spirituels. Ainsi, l’usage des citations en langue kiluba qui s’invitent de manière récurrente dans le corps du texte est dicté par un désir ardent d’authentifier la pratique énonciative des concepts en tirant un meilleur parti de l’originalité des concepts et des subtilités linguistiques (du reste intraduisible à l’identique, en une autre langue que le kiluba, avec la même saveur) qu’induit dans une optique heuristique le parler des anciens.
Plutôt que de nous complaire dans une interprétation des concepts en me fiant à leur premier degré sémantique, il s’est imposé à moi la nécessité de transcrire les expressions d’origine en respectant les logiques discursives de leur production en contexte. Au sujet de l’iconographie illustrative, il sied d’en dire un mot dans la mesure où une bonne part de ses ressources provient des sources diverses. Nous sommes redevables, particulièrement, à l’Institut des Musées nationaux du Congo (IMNC) du choix et du raffinement de la recherche iconographique sur un domaine où je ne m’attendais pas à y trouver tant de merveilles consacrées aux Baluba.
Une grande dette a été surtout contractée vis-à-vis du Professeur Manda Tchebwa, Directeur général du CICIBA, passionné des cultures bantu et créoles, et homme de grande érudition doublé d’un encadreur scientifique patient, de qui j’ai dû emprunter non seulement l’intuition de base, la dialectique et les règles heuristiques, mais aussi une bonne partie de sa collection privée d’images.
Nombre de cartes, dessins et autres croquis inédits présentés ici sont le fruit d’une excellente synergie articulée avec le Chef des travaux Francine Mava de l’Académie des Beaux-arts de Kinshasa, à qui nous redisons toute notre gratitude.
L’intérêt d’insérer tant d’éléments visuels dans le corps de cet ouvrage participe des exigences de tout « Beau Livre » quant à l’équilibre qu’il sied de maintenir entre le désir de voir et celui de lire. Deux critères décisifs dans le succès d’une étude adossée à une problématique de la complexité comme celle qui nous a conduit à ce résultat.
Nous exprimons notre gratitude à l’endroit de nos frères Flory Kabange Numbi, Procureur Général de la République, et Médar Ilunga Mwamba, Directeur Général de l’Agence Congolaise des Grands Travaux, pour leur contribution substantielle à l’élaboration de cette œuvre.
Qu’il nous soit permis par la même occasion de redire toute ma reconnaissance à Monsieur Banza Mukalay Nsungu ancien Ministre de la Jeunesse, Sports, Culture et Arts, pour son appui multiforme à la réalisation de cette œuvre.
One Reply to “Introduction”
JEAN KABEYA NDAYI, janvier 22, 2025
On avait sous-estimé le travail quand il y avait appel aux contributions mais la je viens de me rendre compte que c’était un travail coûteux et mérite toutes nos remerciements ;Les recherches engagées ,leur coût ! vous êtes formidable
LEZA a Mwisele, a Milamé